Le iroha-uta, ou comment apprendre les hiragana avec style

En résumé, c’est l’équivalent poétique d’un abécédaire.

Littéralement, “i-ro-ha” sont les trois premiers signes du texte en question et 歌 (uta) qui signifie “chant, chanson, récitation, poème”.

Il s’agit d’une récitation (un peu à la manière d’un sûtra) qui utilise toutes les lettres du syllabaire hiragana* et qui a été utilisé pendant très longtemps comme base de l’apprentissage de la langue japonaise.

Inventé entre le Xe et le XIe siècle (le témoignage le plus ancien de ce poème date de 10791) et d’auteur inconnu, ce chant a profondément marqué l’enseignement du japonais et ce jusqu’à l’époque moderne. On retrouve cet arrangement de kana dans de nombreux dictionnaires et liste alphabétique de l’époque médiévale comme par exemple le 色葉字類抄 Iroha jiruishô (Recueil de mots classés selon l’ordre i-ro-ha) à la fin de l’époque Heian (794-1185).2

Maîtriser parfaitement ce chant était donc important pour les hommes de lettres du Japon ancien, tout comme il l’est aujourd’hui pour les chercheurs et spécialistes du Japon.

*On notera l’absence du “n” qui est apparu à l’époque Edo (1603-1868) et la présence du “wi” et du “we” aujourd’hui obsolètes.

  1. https://kotobank.jp/word/%E3%81%84%E3%82%8D%E3%81%AF%E6%AD%8C-32577#E4.B8.96.E7.95.8C.E5.A4.A7.E7.99.BE.E7.A7.91.E4.BA.8B.E5.85.B8.20.E7.AC.AC.EF.BC.92.E7.89.88 [consulté le 12.11.2023]
  2. Dictionnaire historique du Japon, livre 1, Maison franco-japonaise, éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 2002, p.1194.

Illustration pour l’article Japon de l’encyclopédie Brockhaus et Efron, 1905.

On se rappelle que le japonais se lit de haut en bas et de droite à gauche.

Chant et traduction

Voici la transcription de ce poème :

いろはにほへと ちりぬるを

i ro ha ni ho he to chi ri nu ru wo


わかよたれそ つねならむ
wa ka yo ta re so tsu ne na ra mu

うゐのおくやま けふこえて

u wi no o ku ya ma ke fu ko e te


あさきゆめみし ゑひもせす

a sa ki yu me mi shi we hi mo se su

Et sa traduction :

La couleur maintenant éclatante, demain se fanera;

dans ce monde qu’y a-t-il de permanent?

Une fois passées les hautes montagnes de l’enchaînement des causes et des effets,

il n’y a plus ni illusions, ni jouissances.1

Si ça t’intéresse, voici le texte modernisé avec les kanji :

色は匂へど 散りぬるを
我が世誰ぞ 常ならむ
有為の奥山 今日越えて
浅き夢見じ 酔ひもせず

Basé sur une métrique 7-5, ce poème a la forme d’un 今様 (imayô), genre poétique pratiqué dès le milieu de l’époque Heian (794-1185). Il s’agit d’une succession de quatre séquences de deux vers de 7 et 5 syllabes.2

Le sens de ce poème quant à lui est à rapprocher du sûtra du Nirvana (Nehan-kyô), qui nous met en garde contre les illusions de l’impermanence de toutes choses.

  1. Dictionnaire historique du Japon, livre 1, Maison franco-japonaise, éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 2002, p.1193.
  2. Dictionnaire historique du Japon, livre 1, Maison franco-japonaise, éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 2002, p.1194.

Pourquoi apprendre le iroha aujourd’hui ?

Parce qu’il est encore utilisé dans certains dictionnaires ou dans l’apprentissage de certaines disciplines traditionnelles comme la calligraphie. Mais aussi parce que cette chanson fait partie intégrante de la culture et de la langue japonaise.

C’est comme si un Japonais venait vers toi et récitait “Le corbeau et le renard” sans sourciller. C’est pas vital mais ça montre une certaine connaissance et surtout un intérêt profond pour la langue et la culture française.

Le iroha, c’est un peu pareil.

Tu n’es pas obligé de l’apprendre par cœur (même si ça en jette un peu quand même…), mais tu peux l’utiliser pour réviser tes hiragana ou t’aider à les apprendre autrement.

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(C) Le Japon avec Andrea