La figure du chat au Japon à travers une œuvre de Hiroshige

Petit aperçu avant la conférence du 08 octobre prochain dans le cadre de l’Automne de Culture Japonaise 2023 (infos et inscription ici).

Le chat, toute une histoire

Au Japon comme ailleurs, la figure du chat est ambivalente, tantôt porte-bonheur, tantôt démon abominable. En un mot, le chat fascine.

Aujourd’hui je te propose l’analyse d’une estampe d’Andô Hiroshige tirée de sa célèbre série “Cent vues célèbres d’Edo” où le chat vient attirer notre attention.

Andô Hiroshige, Champs de riz à Asakusa et le festival Torinomachi (Asakusa tanbu Torinomachi mōde), in «Cent célèbres vues d’Edo» (Meisho Edo Hyakkei), planche n° 101, Hiver, entre 1857 et 1858, Brooklyn Museum.

Alors que les Japonais sont déjà friands de voyages et de découvertes, se développent un nouveau genre de série d’estampes représentant les célèbres lieux à voir absolument et ce à travers tout le Japon. Les «Cent vues célèbres d’Edo» s’inscrivent dans la tradition de ces séries à but touristique, ici abordant les lieux réputés incontournables de la capitale (Edo étant l’ancienne Tokyo).

Focus sur l’œuvre

Nous nous trouvons ici dans une chambre de courtisane du célèbre quartier de plaisir de Yoshiwara. Les différents détails de l’œuvre permettent de raconter une histoire tout en représentant un paysage en profondeur grâce à l’audace de la composition et à l’habileté de Hiroshige. En effet, les éléments du premier plan nous laissent subtilement deviner qu’une courtisane a reçu un client : les peignes en bambou décorés (coin inférieur gauche de l’image) et juste au-dessus le papier en rouleau.

Pourquoi ces deux éléments indiquent la présence d’une courtisane et de son client ? Les peignes sont appelés kumade et sont des souvenirs typiques associés au festival Torinomachi dont on voit la procession par la fenêtre. La présence de ces peignes ainsi que le fait qu’on les ait sortis de leur emballage pour être admirés, suggèrent que quelqu’un les a offert tout récemment (le client) et que quelqu’un les a reçu et les admirés (la courtisane). Quant au papier, que l’on aperçoit presque en passant, c’est ce qu’on appelle le «papier pour l’acte honorable» (onkotogami), qui est l’accessoire indispensable à toute courtisane.1

Il ne s’agit pas ici seulement de l’ingéniosité de l’artiste, mais bien une des particularités de ces estampes de luxe (nishikie) dont le but n’était pas uniquement de proposer de belles images à admirer en bonne compagnie, mais aussi l’occasion de montrer son goût et ses connaissances à travers un jeu de sous-entendu et d’éléments à multiple signification.

Là où un chat paisible semble s’adonner à la contemplation de l’euphorie et de l’activité humaine se déroulant à l’extérieur, en réalité un autre genre d’euphorie à lieu non loin, derrière le paravent tout juste esquissé.


L’artiste ne montre rien, mais nous révèle tout!

………….

  1. OUSPENSKI Mikhail, Hiroshige, Parkstone Press International, New York, 2008, p. 219.

Que vient faire le chat ici ?

Ici le chat a un rôle principal, mais par défaut… Je m’explique. Si la scène principale (la courtisane et son client) n’est que suggérée tout comme la procession en arrière plan, il faut bien trouver un sujet concret à l’image. C’est là que le chat entre en scène.

Le chat reste le symbole de l’intérieur confortable et chaleureux. Ici aucune référence à son ambivalence symbolique (queue coupée, pelage blanc et gris), il s’agit donc d’un chat de compagnie ordinaire, qui se prélasse devant la fenêtre et par ce stratagème, nous indique qu’il y a bien quelque chose à voir de ce côté. Sa présence est donc indispensable à la lecture de l’image.

Si tu veux des histoires de chat démon, je t’invite à la conférence sur la figure du chat dans les contes japonais du dimanche 08 octobre 2023 (infos et inscription ici).

(c) Le Japon avec Andrea.

JAPONAIS / Te lancer (enfin) grâce aux objectifs SMART

C’est quoi la méthode SMART au fait ?

C’est une méthode qui t’aide à rendre tes objectifs tangibles et à mieux les atteindre. Tu peux appliquer cette méthode à tes projets pro ou perso (au développement de ton business, à la rénovation de ta maison, etc.). Mais surtout, tu peux l’appliquer à ton apprentissage du japonais !

Comment ça marche ?

SMART comme…

Spécifique

  • quoi? qu’est-ce que tu veux accomplir?
  • qui? qui est en charge du projet? qui participe et à quel degré?
  • où? quel lieu, quelle plateforme en ligne?
  • pourquoi ? pourquoi cet objectif est-il important pour toi?

Mesurable

  • Comment suivre tes progrès?
  • Quels sont les indicateurs de performance?
  • Comment savoir quand l’objectif est atteint ?

Atteignable

  • Est-ce que ton objectif est réaliste par rapport à tes ressources et contraintes du moment ?
  • Est-ce que tu as toutes les capacités requises?
  • Quelles sont les étapes ou les actions nécessaires pour réaliser l’objectif?

Réaliste (pertinent)

  • Est-ce que cette action est vraiment pertinente par rapport à tes objectifs sur le long terme ?
  • Est-ce le bon moment pour te lancer dans cette action ?

Temporel

  • Quand vas-tu commencer ?
  • Quelle est la date que tu te fixes pour accomplir ton objectif?
  • Y a-t-il des étapes intermédiaires ?

Et pour mon japonais alors ?

Prends-toi 1h avec une boisson qui te fait du bien, dans un coin qui t’inspire. C’est parti!

Dans un carnet (sur une feuille ou une page Notion, ce qui te convient dans ton quotidien) note toutes ces questions en fonction de la pertinence de celles-ci par rapport à ta propre situation.

L’idée c’est qu’à la fin de cet exercice tu sois muni.e d’une marche à suivre et d’objectifs clairs auxquels tu vas pouvoir te référer en cas de coups durs, de passages à vide, de grosse démotivation…

Fait en sorte d’avoir toujours cette liste à portée de main dans ces cas-là, tel un soutien inconditionnel et un rappel que tous ces efforts mènent à un objectif final qui te tient à cœur.

Un exemple concret

On est en septembre, et la reprise des cours et des bonnes résolutions est d’actualité. Avec mes élèves en cours privé, chaque début d’année on fait cet exercice pour poser les choses et s’assurer que les objectifs n’ont pas changé si ce n’est pas un nouvel élève (et si les objectifs ont évolué alors les cours seront adaptés). Cet exercice sert aussi à se rappeler la finalité des cours (boost de motivation garantis, surtout avec les ados) et commencer l’année avec une planification claire des étapes intermédiaires (X leçons ou points de grammaire avant Noël, X capacités acquise avant Pâques, maîtriser les phrases de survie avant le voyage au Japon au mois de X, etc.).

Cette année, avec mon élève Valentin on a fait l’exercice et voilà ce que ça donne :

Spécifique

  • Quoi et pourquoi ? Il part au Japon en mai 2024. Son but est de pouvoir communiquer en japonais lors de son voyage et de ne pas se sentir trop perdu. Il a appris les kana tous seul, mais n’est pas sûr de lui. Il va prendre 1 cours privé d’une heure par semaine avec moi et a du temps pour des devoirs. -> ce voyage l’a enfin décidé à se lancer dans le japonais, avant il en avait envie, mais ce n’était pas le bon moment pour lui.
  • Qui ? Lui et moi.
  • Où ? En ligne.

Mesurable

  • On a environ 7 mois pour le mettre à l’aise. On commence avec un temps de révision des kana et pour moi vérifier que tout va bien (écriture, lecture et rectifier les erreurs éventuelles).
  • On va partir sur les bases du japonais en mettant l’accent sur la conversation avec des phrases en début de cours et des questions à me poser. Au fur et à mesure, les phrases deviendront plus complexes.
  • L’idée est de faire une leçon par semaine avec exercices écrits et questions orales pour voir si les notions sont acquises. (si difficultés = exercices complémentaires).

Atteignable

  • Valentin a le temps en dehors de son travail de suivre les cours avec moi et de prendre au moins 1 temps de devoirs et révision en plus par semaine.
  • Il est motivé par la perspective de son voyage et sait exactement pourquoi il a choisi de prendre des cours.
  • Valentin n’est pas particulièrement studieux, mais avec ces objectifs clairs, il sait quoi faire (il a donc les capacités pour atteindre son objectif) et on est en train de mettre en place une routine applicable même les jours de non-motivation

Réaliste

  • Il ne souhaite pas être bilingue en 7 mois et il sait très bien que lors de son voyage et il ne comprendra pas tout, mais il souhaite être capable de poser des questions en cas de problème, de communiquer au restaurant, à l’hôtel et dans des situations du quotidiens.
  • En plus de ce voyage, Valentin adore les manga et les animés et a une passion pour la cuisine japonaise. Son apprentissage peut ainsi avoir plusieurs ramifications futures, ce qui est un atout.

Temporel

  • On a commencé les cours fin août 2023 et son voyage est fin mai 2024.
  • On a posé des étapes jalons pour tester ses connaissances et évaluer ses progrès : avant les vacances d’octobre, avant les vacances de Noël et avant les vacances de Pâques. On pourra ainsi vérifier que les objectifs sont toujours alignés et revoir le contenu des cours si nécessaire.

En résumé, Valentin a le temps (et va prendre le temps!), la motivation et les capacités pour apprendre le japonais et atteindre des objectifs concrets et réalistes avant son voyage en mai prochain. Les périodes d’évaluation seront importantes pour voir ses progrès et surtout s’adapter en cas de difficultés pour lui garantir une expérience magique au Japon.

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Si toi aussi tu veux te lancer dans le japonais avec une prof passionnée, apprendre les kana en autonomie ou encore participer à des ateliers de conversation, viens découvrir mes offres.

La roue des kigo d’été

Bon, ok , c’est toujours pas une roue, mais l’essentiel est là!

Tu es en panne d’inspiration?

Tu n’arrives pas à choisir un kigo ?

Tu veux un peu de fun dans ta vie ?

Bam, voilà une petite joie à ajouter à ta liste aujourd’hui!

Mode d’emploi

Fais une capture d’écran (ou une photo avec ton téléphone si tu ne sais pas ce qu’est une capture d’écran…) de ma petite animation ci-dessous pour découvrir le kigo à utiliser aujourd’hui !

L’idée te plait?

Découvre ma boite à outils spécial écriture de haiku!

Le principe?

Des jeux, des défis, des explications et des exercices concrets pour réellement comprendre et intégrer les notions recherchées dans tout bon haiku qui se respecte (dixit Bashô) :

  • des kigo efficaces
  • les mots de césures
  • la recherche de la simplicité
  • la maîtrise de la suggestion (au détriment de la description)
  • la légèreté
  • l’humour
  • la confrontation de l’immuable et de l’éphémère
  • etc.

Une fois que tu t’es procuré la boite à outils, tu y auras accès indéfiniment ainsi qu’à toutes les mises à jours (et nouveautés).

Infos et inscription ici !

Le livre du mois- juillet 2023

Le Rêve de Ryûsuke

Durian Sukegawa

Quel âge avait-il à l’époque? Quand sa mère lui avait montré une photo de l’île où s’était installé, seul, ce Sôichi Hashida dont elle lui parlait tant. Elle lui avait expliqué qu’il allait consacré sa vie à confectionner du fromage sur cette terre perdue au milieu de l’océan.

Même aux oreilles de l’enfant qu’était Ryôsuke, la voix de sa mère avait pris une intonation particulière.

Ce à quoi avait échoué son époux, cet ami intime s’y réessayait, loin d’ici. Lorsqu’elle l’avait expliqué à son fils, c’était la femme en elle qui parlait.

Sôichi, il garde toujours espoir.*

Un récit tout en délicatesse abordant des sujets forts comme le mal-être, la difficulté de trouver sa place dans une société où la quête du succès l’emporte sur tout le reste et les sacrifices qui jonchent le chemin menant à la réalisation de nos rêves. La description des paysages insulaires changeants et les caractères attachants des protagonistes font de ce livre un incontournable de mes lectures d’été.

Au plaisir de lire tes commentaires!

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*SUKEGAWA Durian, Le Rêve de Ryôsuke, éd. Le livre de poche, 2018, p.95.

Tanabata ou la fête des étoiles amoureuses

Chaque année, le 7 juillet, les Japonais fêtent Tanabata 七夕, une des cinq fêtes saisonnières importées de Chine (sekku 節句).

Si c’est l’occasion d’écrire ses vœux sur des bandelettes en papier (tanzaku 短冊) qu’on accrochera ensuite à une branche de bambou, c’est aussi l’occasion de regarder les étoiles!

En effet, la légende de Véga et Altaïr est indissociable de cette fête estivale. Parvenue au Japon probablement dès l’époque Heian (794-1185), cette légende venue de Chine est largement popularisée durant l’époque Edo (1603-1868).

De nombreuses étoiles se disent “double” ou “en couple” car elle partagent un même axe de gravité. Ces étoiles ont de tous temps stimulé l’imagination des conteurs et il existe de nombreuses variantes sur le légende des étoiles amoureuses dont voici la trame :

La légende de Tanabata (“la septième nuit”) met en avant l’histoire d’amour entre une déesse tisserande Orihime (Véga) et un bouvier humain Hikoboshi (Altaïr).

Pour lui, celle qui tisse “les habits de nuages” quitte le monde céleste, l’épouse et lui donne deux enfants. La mère de la déesse (ou le père selon les versions) la retrouve et la fait revenir dans le monde des dieux. Pour empêcher le bouvier bien décidé à retrouver sa femme d’arriver au royaume céleste, les dieux séparent les deux mondes par une rivière infranchissable, la Voie lactée.

Devant les pleurs incessant de la déesse d’un côté, du bouvier et de ses enfants de l’autre, les dieux leur accordent de se retrouver une fois par an, la septième nuit du septième mois.

Dès lors, chaque année, les Japonais fêtent ces retrouvailles amoureuses et accrochent leur vœux d’amour et de bonheur à des branches de bambou, symbole de bon augure et , selon la croyance populaire chinoise, capable de refouler les esprits malveillants responsables des séparations conjugales.

Alors, est-ce que tu vas fêter Tanabata cette année?!

Yoshitoshi, La Lune et la Voie lactée, in “Cent aspects de la Lune”, estampe ukiyo-e, avant 1892.

Image d’en-tête : Ando Hitoshige, La ville florissante, festival de Tanabata, in “Cent vues d’Edo”, estampe ukiyo-e, 1857, détail.